Loi sur la restauration de la nature : Le temps est venu de prendre des décisions, pas de faire de la politique à l'ancienne

> Plus d'ambitions et un véritable horizon pour l'avenir, pour notre planète et pour les citoyens sont nécessaires

11 juil. 2023
Green landscape photo

La semaine dernière, la planète a connu pour la troisième fois en quatre jours sa journée la plus chaude depuis le début des relevés. Si cela ne suffit pas à tirer la sonnette d'alarme, des décennies de preuves scientifiques, l'augmentation de la fréquence des effets climatiques dévastateurs et la perte continue de biodiversité le feront. Malgré tout, le Parlement européen est confronté ce mercredi à un faux dilemme : choisir entre la restauration de la nature et la garantie d’une alimentation stable pour l'homme. Spoiler : les deux vont de pair.

La proposition de loi sur la restauration de la nature présentée par la Commission intervient après des années d'échec dans la réalisation d'un objectif volontaire visant à restaurer 15 % des écosystèmes dégradés dans l'UE d'ici à 2020. Cet objectif s'est avéré inutile à mettre en œuvre alors que nous traversons une période connue sous le nom de "6ème vague d'extinction massive". Une extinction de masse que WWF décrit comme étant "due à l'activité humaine" et qui risque de réduire considérablement la capacité de l'humanité à produire sa nourriture. La Commission a donc agi et présenté un outil plus efficace pour remédier à cette situation : une loi contraignante.

Cependant, l'épreuve de force à laquelle le Parlement européen s'attend à Strasbourg ne consiste pas seulement à ignorer les problèmes réels des citoyens au profit d'un argument profondément erroné et malavisé. Il s'agit également de la capacité du Parlement européen à adopter une législation et à exercer sa mission.

Selon les partis de centre-droit et d'extrême-droite conduits par le  Parti populaire européen, il est impossible d'amender la proposition de la Commission pour la loi sur la restauration de la nature afin qu'elle reflète "la volonté du Parlement". On entend dire que la Commission devrait présenter une nouvelle proposition. N'est-ce pas là un argument étonnant de la part de politiques élus qui, par ailleurs, promettent à leurs citoyens d'apporter des solutions ? Est-ce là l'ambition que nous pouvons et devons attendre des députés dont la mission est de représenter les citoyens et la société ?

Cette alliance de droite prétend que "la proposition était soi-disant mauvaise au départ et que [leurs] préoccupations sont restées sans réponse", tandis qu’ils auraient dû coopérer avec d'autres partis politiques pour élaborer une position commune reflétant le fait que la nature est un bien public et une responsabilité commune et partagée de l'humanité.

Cette forme de tentative de prise de contrôle par l'extrême-droite et le centre-droit de l'agenda européen du Pacte Vert n'est pas compatible avec les défis actuels du 21ème siècle.

L'homme et la nature paient déjà le prix du temps perdu à cause de l'inaction. En réalité, deux tiers des espèces protégées dans l'UE sont en mauvais état de conservation. Selon l'Agence européenne pour l'environnement, ce sont les pratiques agricoles actuelles qui exercent la plus forte pression sur les habitats et les espèces. En effet, les pratiques agricoles actuelles vont à l'encontre de la biodiversité et de l'atténuation du changement climatique, puisque les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole devraient augmenter au cours des années 2020, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

On peut dès lors se demander pourquoi, à un an des élections, les membres du Parlement préfèrent se montrer impuissants face à la puissante Commission, au lieu de retrousser leurs manches et de faire ce pour quoi ils ont été élus : travailler dans un esprit de coopération pour élaborer et jeter les bases d'une Union européenne meilleure, plus prospère, respectueuse du climat et de la nature. De quoi ont-ils ainsi peur ?

Nous avons déjà perdu trop de temps pour agir, et plus nous attendons, plus les coupes seront difficiles à réaliser et plus les dépenses pour une correction seront élevées. Si nous laissons les années 2020 se transformer en une nouvelle décennie perdue, nous entrerons dans une ère de crise, d'urgence et d'ajustement dans un monde imprévisible et déséquilibré.

Le temps presse et le monde n'a plus le temps de faire de la politique à l'ancienne. À la lumière des preuves scientifiques accablantes selon lesquelles il ne nous reste désormais que peu de temps pour éviter les pires scénarios de changement climatique et de destruction de nos habitats naturels, pourquoi nos décideurs restent-ils hésitants ?

Si les dernières élections ont été dominées par l’action des mouvements "Youth for Climate", il semble aujourd'hui que le discours soit dominé par des forces politiques qui tentent de compromettre notre avenir.

Ces atermoiements, ces déviations et ces reniements font que de nombreux citoyens ont du mal à comprendre quelle est la voie à suivre face à la crise climatique. Le manque de leadership et de communication claire laisse les citoyens s'interroger sur l'analyse et les conséquences de l'Accord de Paris, au lieu de leur donner les moyens d'agir maintenant. Cette attitude des représentants élus est peu constructive et à courte vue. Elle accroît la méfiance des citoyens à l'égard des institutions démocratiques et encourage les opinions extrémistes.

Il est encore possible de remettre les citoyens sur la voie du changement, de réaliser la transformation énergétique, de préserver la planète bleue pour nos enfants et de prévenir la catastrophe climatique qui se profile à l'horizon. Mais pour cela, nous avons besoin de dirigeants qui ne refusent pas d'agir. Nous avons besoin de femmes et d'hommes politiques européens capables de forger de nouvelles alliances au-delà des partis et des frontières pour relever les défis communs, et qui soient prêts à laisser derrière eux les vieilles recettes et querelles politiques.

Cela comprend également la volonté de mettre en œuvre les moyens financiers pour la transformation de nos économies, y compris l'agriculture, et pour la dimension sociale de cette transformation afin de ne laisser personne de côté. Il ne faut pas s'imaginer que nous pourrons économiser de l'argent au détriment de la restauration de la nature ou de l'atténuation du changement climatique. Nous serons tous perdants si la planète devient invivable. Au cours des 20 dernières années, nous avons déjà payé 2 % du PIB chaque année pour couvrir les coûts du changement climatique.

Pourtant, au Parlement européen, de nombreux représentants sont encore prêts à ouvrir la voie au changement. Ce sont des députés qui défendent une coopération européenne plus importante et de meilleure qualité, et qui s'engagent dans des discussions avec les citoyens en vue d'une véritable représentation. Nous avons besoin de plus d'eurodéputés qui guident les citoyens afin qu'ils puissent prendre des décisions en toute connaissance de cause et ne pas être victimes de "fake news".

Aujourd'hui, nous appelons toutes les forces politiques du Parlement européen à empêcher la poursuite de la destruction de notre habitat et de toutes les autres créatures, ainsi qu’à voter en faveur de la loi sur la restauration de la nature, même si cela se fait sous la forme d’une version amendée du texte. Ne perdons plus un temps précieux. Ne gâchons pas notre avenir. Nous avons besoin d'action et d'ambition maintenant.

Volt Belgique

Avec la contribution de E. Schulze et S. Carp